Une étude récente du Centre océanographique des Baléares de l’Institut espagnol d’océanographie (IEO), ont montré une mortalité massive de la nacre de Méditerranée (Pinna Nobilis). L’importance de cette attaque et la vitesse de propagation inquiète les chercheurs.
Deuxième plus grand coquillage du monde par sa taille, Pinna nobilis, ou grande nacre de Méditerranée, peut atteindre plus d’un mètre de longueur.

« Une nacre Pinna nobilis de 50 cm épure 200 litres d’eau de mer par jour, alors protégeons ses populations »
Professeur Nardo VICENTE, Responsable Scientifique de l’Institut Océanographique Paul Ricard.

Une mortalité inquiétante en 2016

Des chercheurs du Centre océanographique des Baléares de l’Institut espagnol d’océanographie (IEO), ont mené des recensements sous-marins à l’automne de 2016 dans plusieurs localités de la côte méditerranéenne espagnole, avec objectif d’évaluer l’événement de mortalité massive qui affecte les populations de nacre de Méditerranée et la découverte des causes.
Ce travail a récemment été publié et a révélé des taux élevés de mortalité allant jusqu’à 100% dans la majeure partie de la côte méditerranéenne, dans les populations d’Andalousie, de Murcie, de Valence et des îles Baléares, tandis que les populations de Catalogne persistent encore.

carte de la mortalité de la nacre de méditérannée en Espagne (c) IEO
carte de la mortalité de la nacre de méditérannée en Espagne (c) IEO

Les recensements scientifiques ont été menés dans 137 localités, enregistrant des données sur plus de 1 600 nacres de Méditerranée, dans différents habitats et à de nombreuses profondeurs différentes.

2017 année de la grande nacre de méditérannée (IEO)
2017 année de la grande nacre de méditérannée (IEO)

Pour déterminer l’origine de la forte mortalité enregistrée au cours des derniers mois, des analyses histologiques ont été réalisées sur 24 nacres. Les résultats ont révélé la présence d’un parasite, un protozoaire du genre Haplosporidium, dans la glande digestive des nacres. C’est probablement le pathogène qui cause cette mortalité importante. On ignore tout du mode d’action de ce pathogène.

Vers une requalification du statut de protection de la nacre de Méditerranée.

Cet événement de mortalité s’est propagé en très peu de temps, ce qui a entraîné des taux de mortalité élevés dans les populations infestées.
Compte tenu du degré d’impact, de l’étendue géographique et de la forte probabilité que l’infestation soit encore en phase d’expansion, il est possible que les populations de ce bivalve emblématique, se trouvent dans une phase critique de viabilité, sur des centaines de kilomètres de côte.
Cet événement a obligé la communauté scientifique à recommander une revision du statut de protection de l’espèce au niveau national espagnol, passant de «vulnérables» à «en situation critique». Cette mesure est approuvée et en attente de publication ministérielle.


À l’occasion de cet événement de mortalité, la Société Espagnole de Malacologie (SEM) a écrit un décalogue de bonnes pratiques dans le but d’avertir la société de quoi faire si elle est confrontée à un spécimen vivant ou mort, comment la distinguer de son espèce Pinna rudis et comment communiquer l’observation.
http://www.ba.ieo.es/images/stories/ieo/multimedia/documentos/DecalogoPinnaDEF.pdf

La grande nacre de Méditerranée, un coquillage emblématique

La nacre de Méditerranée, en raison de sa taille et de sa longévité –elle peut vivre jusqu’à 40 ans -, a toujours été considérée comme une espèce emblématique des prairies de Posidonie et de la Méditerranée. C’est une espèce endémique de la Méditerranée, où elle habite depuis 5 millions d’années.


Son nom scientifique est Pinna nobilis. C’est un mollusque bivalve appartenant à la Famille Pinnidae. En Méditerranée, il y a deux autre bivalves de la même famille, aussi Pinna rudis, et Pinna pectinata.
La nacre de Méditerranée est inféodée à l’herbier de posidonies où se cachent souvent les jeunes individus. La grande nacre peut atteindre plus de un mètre de hauteur et vivre plus de 40 ans. Pinna nobilis s’implante dans le sédiment par sa pointe antérieure sur le tiers de sa hauteur environ.

nacre et plongeur
Elle se nourrit de plancton qu’elle filtre entre ses valves entrebâillées qui laissent apercevoir les branchies sous forme d’une sorte de treillis. Elle peut fouir aussi dans la vase pour en récupérer la matière organique. C’est donc un filtreur comme les autres coquillages bivalves, mais elle peut aussi se nourrir de particules déposées sur le fond.
Elle est aujourd’hui protégée au niveau européen depuis 1992 (depuis 1967 en Croatie). Elle est aussi incluse dans le cadre de la Convention de Barcelone, qui comprend une liste d’espèces en danger pour lesquelles des stratégies de préservation spécifiques devraient être établies.
Cette espèce peut être considérée comme un excellent indicateur biologique de la santé du littoral méditerranéen, au même titre que Posidonia oceanica qui constitue son biotope de prédilection.

 

La nacre de Méditerranée, connue depuis l’antiquité

La nacre de Méditerranée est une espèce très connue dans la culture méditerranéenne, depuis l’antiquité. Diverses parties de l’animal ont été exploitées :

  • le bisus comme matière textile
  • la coque, à des fins décoratives avec parfois extraction de la partie nacrée pour créer des boutons (Sicile, Malte
  • Enfin, dans différentes régions méditerranéennes, elle a également été considérée comme comestible et cuisinée (Grèce, Corse, Malte et Croatie).

Mais d’autres fléaux récents contribuent à sa mise en danger :

  • Amarrage des bateaux avec des ancres ou chalutage, qui brisent les coques ou qui arrachent les herbiers
  • Prélèvements abusifs par les plongeurs ou les nageurs
  • Aménagements du littoral, des rejets d’eaux usées

Règles de protection de la nacre de Méditerranée

La protection de la nacre est affaire de tous. Comment participer à sa protection. Voici les recommandations sous la forme d’un Code de bonnes pratiques pour la conservation de la nacre :

  • Rappelez-vous: la nacre de Méditerranée est une espèce protégée, pas un souvenir !
  • Ne pas toucher ou retirer les nacres.
  • Dénoncer sa commercialisation, car elle est illégale.
  • Remettre à la mer les spécimens qui collectés par erreurs dans des filets.
  • En plongée, soyez précautionneux : évitez de frapper la coquille de la nacre avec l’équipement ou les palmes
  • Protéger les prairies de Posidonies (Posidonia oceanica), l’habitat prioritaire de Pinna nobilis : éviter les ancrages sauvage !
  • Ancrage loin des herbiers pour éviter que les chaines touchent les herbiers
  • Remontée de l’ancre, aussi verticalement que possible, afin d’éviter des dommages par impact direct.

Pour aller plus loin, Sources de l’article et divers documents sur la nacre de méditerranée
L’article original de l’Institut Espagnol Océanographique
http://www.ba.ieo.es/pinna/index.html
https://www.researchgate.net/publication/315656729_Etat_des_populations_du_Mollusque_bivalve_Pinna_nobilis_la_Grande_Nacre_de_Mediterranee_sur_les_cotes_de_Provence_de_2009_a_2016
La nacre de Méditerranée dans la réserve de Banyuls :   http://www.criobe.pf/wp-content/uploads/2016/03/PinnaNobillis_EcrinBleu-13.pdf

3 thoughts on “La grande nacre de Méditerranée menacée en Espagne ?”

  1. Bonjour,J’avoue que je ne sais pas quelle est l’état de la nacre plus au nord. Il semblerait que cette attaque soit localisée en méditérannée sud. mais avec le réchauffement des eaux, il se pourrait que ce désastre parvienne plus au nord. On a des problèmes avec les gorgonnes cet automne en catalogne (témoignages sur plusieurs sites avec des nécroses prononcées).
    Je suis content que cet article soit lu. Merci. Je ne suis pas scientifique, juste un plongeur soucieux…

  2. Bonjour cette année je n ai pas retrouvé les nacre que j avais l habitude de voir a cadaques tout près du bordToutes disparues,!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.