Imaginez une crique déserte, découverte au début des années 60 par un médecin allemand et sa femme tchèque. Dans cet endroit reculé, il ouvre en 1964 un restaurant baptisé el Bulli, en hommage à leurs chiens. Au début, le restaurant nourrit essentiellement les plongeurs de la crique. En 1971, les propriétaires recrutent un chef alsacien, Jean-Louis Neichel. Ce chef décrochera la première étoile Michelin du restaurant El Bulli avant de passer la main à Ferran Adrià. Retour sur le parcours de Jean-Louis Neichel, au moment, où il vient de fermer son établissement barcelonais.

el bulli

Un restaurant au milieu de nul part.

Lorsque Hans Schilling, un médecin généraliste et herboriste allemand, a acheté un terrain en bordure de mer à un agriculteur de Roses pour 15 000 pesetas, savait-il qu’il donnerait naissance à un des lieux les plus réputés au monde ? Sur ce merveilleux balcon sur la Méditerranée, il ouvre le restaurant El Bulli. Jean Louis Neichel (né à Munchhausen, Alsace, France, 1948) avait rencontré Schilling en Allemagne. Et celui-ci lui demande de venir l’aider sur la Costa Brava.
« Quand je suis venu visiter la Costa Brava lors de mon premier voyage en catalogne, je suis tombé amoureux de la Cala Montjoi, de la mer et de la tramontane. J’avais alors 23 ans et j’avais fait mes études hotelières en Alsace. Schilling m’a demandé de rester pour travailler dans le restaurant qu’il avait imaginé dans son coin perdu, qui était dans les premier temps, essentiellement fréquenté par des plongeurs pour les préparations barbecues. Je lui ait dit que je m’engageais pour 6 mois, mais pas plus. Et la troisième année, Schilling m’a demandé de prendre en charge la gestion et la cuisine du restaurant El Bulli. J’avais 25 ans et toutes les responsabilités ».
Alors, pendant huit années, de Juin à Septembre, Jean Louis Neichel passe tout son temps dans la cuisine du restaurant de la Cala Montjoi, une crique naturelle du Parc du Cap de Creus. En 1976, il obtient première étoile Michelin pour le restaurant.

jean louis neichel
«J’étais le seul chef français à Roses et je ne savais préparer ni suquet, ni paella. A
rmés de cannes de bambou sauvage, nous pêchions des oursins pour la cuisine. C’était révolutionnaire», se souvient-il.
« Le secret de la première période du restaurant El Bulli a été de travailler pour notre propre plaisir, de ne pas penser à faire de l’argent. Si nous avions voulu faire de l’argent, El Bulli n’aurait pas survécu.»

 

Un client nommé Dali

« Il est difficile d’effacer de souvenirs d’El Bulli, cet homme de Figueres avec sa moustache, qui venait dans une voiture américaine immatriculée à Monte Carlo et conduite par un chauffeur, pour commander une saucisse avec des haricots ou un steak”, se rappelle le chef du plus international des clients d’El Bulli, Salvador Dalí.
Tous les deux ont été touchés par la tramontane et inspirés par le paysage. Tandis que Dali réalisait ses œuvres majeures et ses lithographies, Jean Louis Neichel créait les couvertures pour le menu du restaurant El Bulli.

cala montojoi

D’El Bulli à Les Corts

En 1981, Jean Louis Neichel décide de faire cavalier seul et dans un endroit moins influencé par la saison touristique, et il s’est installé dans le quartier Les Corts à Barcelone.
« J’étais loin du centre de Barcelone, mais l’endroit était bien. Ici, dans Les Corts, j’ai adapté ma cuisine aux palais catalans. J’ai retiré certains éléments et diminué l’usage de de la crème, du beurre et des sauces de mes plats, parce que, contrairement à Roses ou la clientèle était internationale, à Barcelone, notre clientèle était du quartier en semaine et de Barcelone le week-end. Parce que dans le quartier des Corts, tout le monde va dans sa maison secondaire, si possible à partir du jeudi. Beaucoup ont des maisons en Empordà, et ils y jouent au golf et retrouvent leurs amis. Ils ne sont dans le quartier de Corts que pour travailler et dormir.»
Je ne ai jamais regretté avoir quitté Roses pour ouvrir le « Neichel » à Barcelone. J’ai quatre enfants et un restaurant saisonnier ne cadrait pas avec le genre de vie que je avais besoin pour ma famille, mais je serai toujours reconnaissant à M. Schilling de m’avoir accordé sa confiance. »
Aujourd’hui, il vient de fermer son restaurant, après plus de cinquante ans de carrière, Une longévité qui en dit long sur la qualité et la créativité de ce chef.
– Pouvez-vous nous donner deux de vos plats emblématiques ?
– Le « ‘Mar i muntanya» (un plat typique catalan qui mêle les produits de la mer et de la montagne) que je faisais à El Bulli, et le Loup de mer que j’ai cuisiné à la naissance d’un de mes enfants.
Bravo à ce chef, un des plus brillants représentants de la haute cuisine en Catalogne.

Cet article est une traduction inspirée, issue des deux articles suivant :
http://www.lavanguardia.com/ocio/20150110/54423190594/jean-louis-neichel-cuelga-chaquetilla.html
http://www.elperiodico.com/es/noticias/les-corts/jean-louis-neichel-chef-les-corts-cocina-adapto-paladar-catalan-4120568

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