La surmortalité des gorgones rouge (Paramuricea clavata), vient d’être corrélée aux températures élevées de l’eau en 2022. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur marines au cours des dernières décennies est l’un des effets les plus palpables du changement climatique mondial.
Aujourd’hui, une étude de l’Université de Barcelone (UB), publiée dans le « Journal of Animal Ecology », montre comment la canicule extrême de 2022 a provoqué une augmentation « sans précédent » de la mortalité des gorgones rouges et a affecté 70 % des colonies du parc naturel du Montgrí, les îles Medes et le Baix Ter.
Selon les chercheurs, ce sont des résultats « alarmants » qui menacent la « viabilité » de cette espèce, de grande valeur pour la biodiversité des écosystèmes benthiques.
Des taux de surmortalité des gorgones rouge jamais vus
Les travaux ont évalué l’impact des vagues de chaleur marines, produites entre 2016 et 2022, sur sept populations situées dans cette zone protégée. Des fragments de colonies ont été fixés mécaniquement sur des plaques expérimentales comme décrit dans Crisci et al. (2017).
a) les sites de gorgones étudiés aux Medes, b) marquage des colonies étudiées (flèche verte).
L’analyse des résultats a montré que les taux de mortalité (obtenus à partir du calcul de la proportion cumulée de colonies affectées et de surface morte) étaient significativement augmentés dans les années où ces épisodes étaient plus chauds et plus longs : 2017, 2018, 2019 et 2022. Au cours de ces quatre années, les températures étaient supérieures à 24,3 °C et 2022 est celle où la mortalité est la plus élevée. “En 2022 la proportion totale de colonies touchées par la canicule de cinquante jours était proche de 70%, avec un pourcentage de surface endommagée de près de 40% : des valeurs qui n’avaient jamais été observées dans cette zone depuis que le suivi de ces populations a été commencé”, détaillent les auteurs de la recherche.
Cet impact négatif est également le résultat des événements des années précédentes, puisque la récupération de ces organismes est très lente, selon les chercheurs.
Dans l’ensemble, ils suggèrent que les prévisions de biodiversité basées sur des modélisations « d’événements uniques » pourraient être trop optimistes et soulignent la nécessité de prendre en compte la récurrence des vagues de chaleur marines dans l’évaluation des menaces qui pèsent sur la biodiversité, et dans le constat de la surmortalité des gorgones rouge.
“Dans la mortalité d’une année spécifique, on observe également la surmortalité des gorgones rouges de l’année précédente et, par conséquent, 2022 présente le cumul de toutes les années passées”, souligne Graciella Rovira, premier auteur de la publication et membre du Département d’Évolution Biologique, Écologie et Sciences de l’Environnement de l’UB.
Un « avenir inquiétant »
Jusqu’à présent, les populations de gorgones rouges de cette petite réserve marine avaient mieux résisté aux canicules des années précédentes que d’autres populations de Méditerranée. Cette résilience avait amené les chercheurs à penser que ces colonies pouvaient être considérées comme un refuge climatique. “Les impacts documentés dans cette étude montrent un avenir inquiétant pour les assemblages de gorgones rouges dans toute la Méditerranée et cela suggère que la résilience de cette espèce pourrait ne pas être suffisante pour maintenir ses populations dans le scénario de réchauffement prévu”, souligne-t-on.
En outre, les chercheurs préviennent que ces résultats ont des implications importantes au-delà de la survie de l’espèce elle-même. ” Paramuricea clavata est une espèce formatrice d’habitat, c’est-à-dire que grâce à elle de nombreuses autres espèces peuvent vivre (elles l’utilisent par exemple comme refuge), sa disparition pourrait entraîner une forte altération de la biodiversité et du fonctionnement de ces écosystèmes.
La situation critique observée rend les scientifiques pessimistes quant à la possibilité de récupérer l’espèce, même si des mesures sont prises pour réduire son impact. La surmortalité des gorgones rouges sans précédent, ainsi que les scénarios de changement climatique prévus, signifient que ces populations se trouvent probablement proche d’un un point de non-retour.
Pour aller plus loin :
Amateur de soleil et de criques. J’aime les balades le long de la mer méditérannée, la gastronomie catalane, la plongée sous-marine, les photos et les oiseaux dans les rizières de Pals.