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Crise de l’indépendance en catalogne : faisons le point.

La crise de l’indépendance en Catalogne a rendu rocambolesque la situation politique en Catalogne après un week-end et une semaine hauts en évènements politiques. La tramontane a soufflé fort le vendredi 27 octobre 2017 sur les Albères, mais aussi à Barcelone et à Madrid.
Notes aux lecteurs :

  • Je ne suis pas journaliste, juste un français amoureux de la Catalogne et de la Costa Brava en particulier.
  • Je ne suis pas particulièrement partisan de l’indépendance catalane (j’ai du mal à juger le bien fondé d’une indépendance vs une autonomie renforcée), ni contre (le système politique décentralisé de l’Espagne est difficile à juger pour un français habitué à un centralisme renforcé depuis quelques siècles).
  • Mais je suis absolument contre l’emprisonnement de personnalités pour leurs opinions.
  • Les points de vues exprimés dans cet article n’engage que mon analyse personnelle.

République catalane ou royaume espagnol ?

Nous avons décidé avec ma famille de passer la semaine de la Toussaint sur la Costa Brava, en Catalogne, une région autonome de l’Espagne. Enfin, ça c’était avant. Avant de partir ce vendredi, 27 octobre 2017. Un jour particulier dans l’histoire de la crise de l’indépendance en Catalogne.
Car en milieu d’après-midi, alors que nous abordions les rives de la Garonne, la radio nous apprenait que le parlement Catalan avait approuvé la formation d’un régime constituant et avait de ce fait approuvé la DUI, la Déclaration unilatérale d’Indépendance.


Cris de joie des indépendantistes dans Barcelone, chants et accolades au parlement et entre les membres du gouvernement catalan de M. Puigdemont, mais de débordement joyeux. Comme on peut le voir sur les photos, l’heure est à la joie, et à la gravité.


Car de son côté, le gouvernement espagnol, emmené par le sieur Rajoy, a demandé au sénat d’approuver l’application et la mise en œuvre de l’article 155 de la constitution, qui va destituer M. Puigdemont et son gouvernement, renvoyé les parlementaires catalans dans leur foyers, reprendre l’autorité sur la police et sur les médias, et convoquer de nouvelles élections le 21 Décembre.


Du coup, sur la Costa Brava, on est en république catalane interdite par le gouvernement espagnol. Bref ce n’est pas très clair. On a passé le week-end en république Catalane Interdite par le gouvernement du royaume d’Espagne.
Il semblerait que les habitants commencent à être fatigués et inquiet par cette incertitude, en tout cas, tous ceux que l’on a rencontré ce week-end. (Qu’ils soient d’un camp ou d’un autre).
El Mundo vient de publier un sondage ou les anti-indépendantistes sont en tête avec 43% des intentions de votes, devant les indépendantistes, donnés à 42%. Ça va être serré. Et cela ne résoudra pas forcément les problèmes…
Alors comment la situation peut-elle évoluer dans la crise de l’indépendance en Catalogne?

Examen des forces en présence dans la crise de l’indépendance en Catalogne

D’un côté on a un camp indépendantiste, qui s’appuie sur une tradition bien établie de nationalisme catalan : Défense de la langue catalane, des particularismes catalans, et recherche d’une autonomie importante dans la gestion de leurs affaires (police, école, …). La région est riche, avec une capitale forte, une tradition agricole, industrielle, commerciale et touristique bien établie.
En 2006 la Catalogne a obtenu un statut d’autonomie étendu qui satisfaisait beaucoup de catalans, tout en étant intégrés dans le royaume d’Espagne.
En 2010, patatras : le gouvernement central décide de revenir sur les accords de 2006, ne supporta pas l’idée de « nation catalane » qui était incluse dans le statut. On convoque le jugement de la cour constitutionnelle qui déclare inconstitutionnel le statut de 2006. Et depuis, les indépendantistes catalans sont passés de 10/15% aux élections, à la majorité en siège et 40/45% en voix.

De l’autre on a un gouvernement espagnol arque bouté sur ses positions et qui n’a RIEN proposé au peuple catalan dont une large partie réclame depuis des années un referendum d’autodétermination. Le courage anglais face aux Ecossais n’a pas donné d’idée au gouvernement madrilène, qui réaffirme jour après jour qu’il n’y aura pas de référendum car ce n’est pas constitutionnel !

Aujourd’hui la Catalogne est une région divisée

La moitié espère une indépendance « facile », c’est-à-dire sans avoir besoin de l’accord du reste de l’Espagne et avec si possible la bénédiction de l’union européenne. Mais les états européens sont eux-mêmes effrayés par les séparatismes émergeants (Flandres en Belgique, Italie du nord). Pour l’instant c’est assez compliqué de créer une unité plus de 10 pays, sans qu’en plus, ils y en aient qui décident de se séparer.
L’indépendance ne sera pas facile et on voit déjà les grandes entreprises se protéger contre les effets dévastateurs d’une Catalogne rejetée par l’Espagne et par l’UE. L’économie va souffrir de la crise de l’indépendance en Catalogne, c’est une certitude.

L’autre moitié ne veut pas couper avec ses racines espagnoles. En Catalogne on estime que la majorité de la population a un grand parent espagnol, non catalan d’origine. Car la Catalogne prospère a attiré des travailleurs des régions pauvres de la péninsule.

Elle est supportée par un gouvernement central qui n’oppose aujourd’hui que la force aux demandes catalanistes : répression par la force du vote du 1er octobre, menaces d’emprisonnement (on parle de 30 ans !) pour les dirigeants catalans. Les Jordis en sont à leur 12ème nuit en prison. Ne les oublions pas !
Est-ce que cette politique sans créativité, sans ouverture, peut fonctionner, peut aider à résoudre la crise de l’indépendance en Catalogne? Je ne crois pas que faire des martyrs a résolu d’une quelconque manière un conflit.

Alors que va-t-il se passer

Eh bien on ne sait pas. C’est peut-être la seule certitude dans cette crise de l’indépendance en Catalogne.
L’intransigeance de Madrid ne gagnera que s’ils obtiennent une victoire éclatante aux prochaines élections. Et il faudra qu’ils donnent des garanties à cette grande partie de la population catalane qui s’est exprimée le 1er octobre, malgré les interdictions de Madrid et les interventions de la Guardia civile. L’indépendantisme n’est pas le fait de quelques illuminés, mais bien une réelle demande d’une grande partie de la population catalane. Ils doivent être entendus.
Les indépendantistes trouveront-t-ils à l’étranger l’appui et la reconnaissance indispensable pour pouvoir faire reconnaitre la république catalane ? Rien n’est moins sûr, on ne sait jamais. Si les prochaines élections les donnent en position de force, il faudra bien que Madrid se décide à bouger. Vers une autonomie élargie ? Cette solution risque d’être un peu tardive.


D’un autre côté, il faudra que les républicains catalans donnent des gages de sécurité envers ceux qui sont catalans et espagnols. Double nationalité, garantie des droits, de l’usage du castillan, … Et surtout il faut que les républicains catalans convainquent l’UE de laisser une place aux catalans à la table Bruxelloise.
Il faudra surtout que les deux camps se parlent, négocient. Les deux ont leurs atouts et leurs faiblesses. Sinon, les accusations de fascisme vont fleurir dans les deux camps, avec leur cortège de tensions et de violence.

Depuis, la moitié du gouvernement catalan a été emprisonné, avec les Jordis, des dirigeants d’associations nationalistes catalanes. Le président Puigdemont et l’autre moitié de son gouvernement sont partis en exil. Les tensions qui semblaient s’apaiser un peu le long de la semaine sont reparties de plus belle. L’emprisonnement de personnes pour leurs idées politiques est à mon avis une première dans l’Union Européenne, depuis la chute du mur de Berlin. Les appels à la libération des prisonniers politiques se multiplient. Les positions des autres pays de l’UE sont étrangement très calmes et très dociles envers les positions politico-judiciaires extrêmement fermes de la part de Madrid.

Ne vendons pas la peau de l’âne catalan face au taureau espagnol

L’Estrella flotte dans certains villages de la Costa Brava, le drapeau Espagnol dans d’autres. Il faudra bien que tout le monde s’entende pour donner un avenir aux catalans, quelle que soit leur opinion. Dans ce genre de combat on pense souvent que c’est le plus fort qui va gagner. Mais Gérone, le club de M. Puigdemont, venu de seconde division, vient de mettre à terre le real de Madrid, l’empereur des clubs de football européens. Un clin d’œil prémonitoire du destin ?
Dans l’hymne catalaniste qu’est devenu l’Estaca (le pieu), Lluis Llach chantait la patience des peuples attachés à un piquet, pour obtenir leur libération,

Si tu le tires fort par ici,
Et que je le tire fort par-là,
C’est sûr il tombera, tombera, tombera,
Et nous pourrons nous libérer.

Et quand il le chante aujourd’hui, une grande partie du peuple catalan le reprend à haute voix.

 

Pour aller plus loin :

Le rappel des faits vu par Les échos

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